Mettre en œuvre et utiliser la charge virale : outils pratiques

Ils/Elles ont choisi la biologie moléculaire pour lutter contre le VIH dans leurs pays

Les visages derrière l’accès à la charge virale au Burundi, Cameroun, Côte d’Ivoire, et Guinée

Après 6 ans de travail avec le projet OPP-ERA qui vise à améliorer l’accès au test de la charge virale VIH au Burundi, Cameroun, Côte d’Ivoire et en Guinée, nous sommes allés à la rencontre des techniciens, techniciennes et biologistes de laboratoires impliqué.e.s dans le projet pour parler de leur travail et de leurs expériences.

Venant de 4 pays et contextes différents, ils et elles partagent un point commun : être au service des patients. La charge virale est un élément incontournable pour s’assurer de l’efficacité des traitements des personnes vivant avec le VIH, réduire les contaminations et la mortalité : « il faut se rappeler que derrière chaque résultat, il y a un patient dans le besoin. On n’a pas le droit à l’erreur ».

En rejoignant le projet OPP-ERA, leur quotidien professionnel a changé, leurs carrières ont évolué avec plus de formations, plus de responsabilités et plus d’implication dans la lutte contre le VIH dans leurs pays respectifs. « J’ai découvert la charge virale en 2008, de manière théorique lors d’un DU de rétrovirologie biologique. En rejoignant le projet OPP-ERA en 2014, j’ai découvert la charge virale en pratique cette fois-ci. En Guinée, la charge virale VIH ne se faisait pas encore dans les laboratoires publics.»

Aujourd’hui, à la fin du projet OPP-ERA, ils/elles sont fier.e.s d’être des référent.e.s sur la charge virale dans leur pays et prêt.e.s à assurer sa pérennité : « En tant que technicien de laboratoire, mon rôle est de continuer à faire la charge virale, de former les autres et de pouvoir ainsi contribuer à atteindre le 3e 90 au Burundi ».

Retrouvez ci-dessous les portraits photos et interviews de certains des visages du projet OPP-ERA. Nous les avons rencontrés lors d’une formation de formateurs, le 4 juillet à Paris, avec la photographe journaliste @Sara Farid qui travaille en collaboration avec l’agence MAPS.

Fatoumata Epoe KONE, Pharmacienne biologiste au Centre de Diagnostic et de Recherche sur le Sida et Référente technique du Projet OPP-ERA, Côte d’Ivoire

C’est en 2009 que j’ai découvert comment faire des tests de charge virale VIH même si cette activité était déjà réalisée dans mon service (CeDReS) depuis 1997. Le projet OPP-ERA a permis à la  Côte d’Ivoire d’améliorer l’accès de la charge virale VIH en zone décentralisée. Mon implication dans le projet m’a été bénéfique, en me permettant notamment de pratiquer davantage. Le projet a aussi amélioré la visibilité de mon service au travers des personnes que nous avons formées ainsi que d’une production scientifique permettant une participation à des conférences internationales sur le VIH, telles qu’ICASA (2015 et 2017) et que l’AFRAVIH (2016 et 2018).

Aleke Sammuel ASSANDE, Technicien Biologiste au Centre de Prise en Charge et de Formation, Côte d’Ivoire

J’ai rejoint le projet depuis son début, en août 2014. On me surnomme maintenant Monsieur Charge virale ! L’accès à la charge virale est un élément clé dans la prise en charge des personnes vivant avec le VIH et le projet OPP-ERA a permis de rendre la charge virale VIH accessible à plusieurs milliers de patient.e.s en Côte d’Ivoire.

Le projet OPP-ERA a changé mon quotidien. Aujourd’hui, je suis appelé à former et à encadrer d’autres personnes en plus de mon travail habituel au sein du laboratoire. Je participe à des ateliers dans le domaine de la virologie. Les partages d’expériences et la mise en place d’un réseau de technicien.ne.s et de biologistes ont par ailleurs été très bénéfiques.  Ma famille sait que le temps que je consacre à mon travail me permet de voir si le taux de virus augmente ou diminue dans le sang des patient.e.s.

Juste Dimitri BLIDIEU, Technicien supérieur de laboratoire au Centre de Diagnostic et de Recherche sur le Sida, Côte d’Ivoire

Issu de la Parasitologie, j’ai rejoint le projet OPP-ERA à la demande de mon Directeur en 2014. Le projet m’a apporté beaucoup de responsabilités et de connaissances professionnelles sur les techniques de réalisation de la charge virale, la bonne gestion des échantillons, ou encore la bonne prise en charge des personnes vivant avec le VIH. Je retiens également le partage d’expériences entre les laboratoires des pays du projet. « Garder un lien avec les autres laboratoires et autres pays est intéressant pour partager nos connaissances et pour maintenir nos performances de réalisation technique de la mesure de le charge virale ». 

Souvent mon entourage me demande si je n’ai pas peur du virus et comment un virus qui ne se voit pas peut être manipulé. Je suis fier d’expliquer notre rôle à d’autres personnes, ce qui me motive à m’investir dans la prise en charge des personnes vivant avec le VIH. Après le projet OPP-ERA, je continuerai à travailler sur la charge virale afin de pérenniser notre activité.

NDAYIKENGURUKIYE Callixte, Technicien de Laboratoire à l’ANSS (Association Nationale de Soutien aux Séropositifs et malades du Sida), Burundi

«  Ma formation initiale me prédestinait à faire des examens de laboratoires pour le suivi des patient.e.s qui en ont besoin. C’est en 2014 que j’ai découvert la charge virale avec le projet OPP-ERA. J’étais très intéressé et je me sentais capable grâce à l’appui et aux formations offertes. Mon implication dans la réalisation des tests de charge virale du VIH a changé mon quotidien et m’a permis de faire des échanges d’expérience avec d’autres technicien.ne.s en Guinée, au Cameroun et en Côte d’Ivoire. Aujourd’hui, en tant que technicien de laboratoire, mon rôle est de continuer à faire la charge virale, de former les autres et de pouvoir ainsi contribuer à atteindre le 3ème 90 [90% des PPVIH sous traitement antirétroviral avec une charge virale supprimée] au Burundi. »

NDAYIKENGURUKIYE Claire, Enseignante à l’Université et Biologiste de Laboratoire au Centre Hospitalo-Universitaire de Kamenge, Burundi

Avant, je savais que les personnes vivant avec le VIH sous traitement antirétroviral avaient besoin d’un suivi biologique réalisé au travers du test de charge virale, mais je ne pensais jamais pouvoir le leur proposer un jour, faute d’équipements. Aujourd’hui, c’est une activité qui m’épanouit et qui m’intéresse : « Je suis fière d’avoir appris à réaliser la charge virale VIH de façon indépendante et d’être maintenant capable d’aider les autres technicien.ne.s pour en faire autant. J’ai vécu des moments forts au début du projet quand je voyais que je pouvais désormais sortir une plaque [série de tests de charge virale VIH] valide de façon autonome ». « Je suis également fière d’avoir de bons équipements, l’un des grands apports du projet OPP-ERA. Les plateformes mises en place sont très efficaces, tout comme l’a été la formation à la technique de charge virale et à la manipulation des équipements. Le projet OPP-ERA a été une opportunité pour notre pays : davantage de patient.e.s ont accès à la charge virale. Aujourd’hui, mon rôle est de travailler pour un meilleur suivi des personnes vivant avec le VIH, pour permettre une éventuelle adaptation de leur traitement pour parvenir à des charges virales indétectables, qui diminuent le risque de contaminer d’autres personnes. Pour continuer à améliorer la prise en charge des PVVIHs, il nous faudrait par ailleurs continuer à réduire le temps de rendu des résultats de charge virale et renforcer la sensibilisation des prescripteurs pour qu’ils prennent davantage en considération les résultats des tests de charge virale.

Penda Maladho DIALLO, Cheffe d’Unité Biologie Moléculaire à l’Institut Nationale de Santé Publique, Guinée

J’ai découvert la charge virale en 2008, de manière théorique lors d’un DU rétrovirologie biologique. Grâce à cette formation, j’ai rejoint le projet OPP-ERA en 2014 et j’ai découvert la charge virale en pratique cette fois-ci. En Guinée, la charge virale VIH ne se faisait pas encore dans les laboratoires publics ; seule une ONG la proposait aux patients. Avec le projet OPP-ERA, j’ai bénéficié de beaucoup de formations depuis le début, ce qui a fait de moi une personne ressource incontournable en matière de charge virale VIH en Guinée. Je suis fière de permettre aux patient.e.s d’apporter des résultats qui améliorent leur vie et les informent sur leur état de santé. Je suis également fière d’être une personne de référence, en pouvant notamment former d’autres personnes à la réalisation du test de charge virale VIH.

Raphael TAPONDJOU, Centre Pasteur Annexe Garoua (CPAG), Cameroun

 J’ai rejoint le projet OPP-ERA en 2014. Avant le projet, le suivi biologique des personnes vivant avec le VIH était réalisé avec le test de CD4 [qui contrairement au test de CV VIH, ne permet pas une mesure précise de l’efficacité du traitement antirétroviral]. Le projet OPP-ERA a apporté l’accès à la charge virale VIH et a ainsi permis à ma région du Nord Cameroun de suivre les recommandations de l’OMS.

Avec le projet OPP-ERA, j’ai appris qu’il y a 3 lignes de traitement antirétroviral (dont seulement 2 lignes gratuites au Cameroun). J’ai compris la responsabilité qui est la mienne : à chaque résultat de test de charge virale VIH que je délivre, le traitement d’un patient peut être modifié ou non, et le médecin n’a qu’un choix limité.

J’explique à mon fils qui est curieux de savoir ce que je fais au travail, que je compte les virus dans un échantillon de sang de personnes vivant avec le VIH pour voir si le traitement qu’elles prennent est efficace. Après le projet OPP-ERA, je vais rester dans la virologie et la réalisation de test de charge virale en évoluant vers l’encadrement et la formation des jeunes technicien.ne.s.

Martin Ridole MEKONTCHONI ZEKENG, Technologiste médical au Centre Pasteur,  Cameroun

Depuis 2014, le projet OPP-ERA a changé mon quotidien grâce à la participation aux ateliers, aux formations et à l’accompagnement que j’ai pu proposer à d’autres laboratoires pour la réalisation des charges virales. Il a contribué à mon développement personnel et à l’évolution de ma carrière, notamment grâce au renforcement de mes connaissances en chaîne d’approvisionnement et en quantification des produits de santé, au développement d’une bonne compréhension du suivi-évaluation, et au partage d’expérience avec d’autres pays.

Après le projet OPP-ERA, je continuerai les activités de routine dans mon laboratoire mais je resterai disponible pour répondre à toute sollicitation en rapport avec mon expérience en mesure de charge virale. Aujourd’hui, notre rôle en tant que technicien de laboratoire est incontournable dans l’atteinte du 3ème 90. Nous devons aller vers de meilleurs résultats en termes d’adhérence thérapeutique, d’efficacité antirétrovirale, de surveillance des résistances et de réduction des transmissions.